Sortie des 27, 28, 29 août 1999

Recherche de quartz "fenêtre" au Col d'Allos

La journée de recherches débutant tôt le samedi matin, et compte tenu de l'éloignement (5 heures de trajet de Lyon) pour atteindre le col d'Allos, il était vivement conseillé d'arriver la veille au point d'hébergement.

Pour certains, les vacances se terminent déjà, d'autres sont encore sur leur lieu de détente, ce qui explique le peu d'amateurs à cette sortie qui sont : la famille de JEAN-MARC au complet, Pierre GROSJEAN (un futur adhérent, connu de longue date par JMT) et moi-même.

Trajet le vendredi après-midi avec Pierre sans encombre et arrivée à la "Ferme de séjour" vers 19 h 15.

Précisons au passage que ce gite a été aménagé judicieusement et admirablement décoré par ses propriétaires.

C'est vraiment un cadre agréable pour passer un week-end en famille. Nous retrouvons Jean-Marc, Josée et les filles partis dans la matinée. Ils se sont arrêtés au col d'Allos et ont déjà passé leur après midi à essayer de repérer le secteur sur les indications de Max GONNET.

En final, celui ci ne pourra pas se joindre à nous le lendemain, pour raisons familiales. N'ayant pas trouvé le site, Jean -Marc était un peu ennuyé et nous le comprenons bien. Après un copieux repas pris ensemble le soir, et d'autres infos sur la situation du gisement demandées par téléphone auprès de Max, nous rejoignons nos lits pour une bonne nuit de repos. Le lendemain, une belle journée ensoleillée débute avec un bon petit déjeuner accompagné de confitures "maison".

Chargement du matériel, des sacs à dos et en route pour le col d'Allos dans l'espoir de trouver ces fameux quartz "fenêtre".

Arrivés au parking du col (alt. 2250 m) c'est un splendide panorama qui s'offre à nous. Trêve de rêveries, nous commençons l'ascension par un sentier nous permettant d'accéder à une ligne de crête que nous suivrons avant de descendre sur l'autre versant.

La marche s'est effectuée en recherchant des petits quartz que Josée avait pris la veille pour des morceaux de pare-brise ! "Niet" lui dit son époux, ce sont bel et bien des cristaux. Sur ce sujet, on peut lui faire confiance, il a la connaissance et le flair des cristalliers ! Après une demi-heure de montée, nous entamons la descente en travers de la montagne, à la recherche de barres rocheuses contenant les filons de calcite et de quartz. Encore un dernier appel téléphonique (la magie du mobile) auprès de Max qui nous dirigera droit sur des ravines. Nous apercevons enfin au loin les traces à peine visibles des travaux de nos prédécesseurs.

A partir de ce moment là, compte tenu du temps déjà perdu à essayer de trouver le site, nous partons au pas de course pour rejoindre ce lieu de chantier. Nous découvrons une strate d'environ un mètre d'épaisseur avec un pendage d'environ 20° vers l'Est. Cette couche est recoupée perpendiculairement par failles plus ou moins remplies de quartz. L'examen de ces filons nous laisse sceptique sur la possibilité de trouver des gros cristaux. Ce sont des filons de 5 à 10 cm dont la partie centrale n'est ouverte que de 3 à 5 cm. Il faut élargir ! me dit Jean-Marc. Une poche plus importante est possible ! Josée qui était en retrait au cours de la descente, arrive tranquillement en essayant toujours de trouver les petits bouts de pare brise.

Venez voir ce que j'ai trouvé, en tendant sa main. Incroyable ! Un groupe de cristaux de quartz "fenêtre" formant un ensemble d'une dizaine de centimètres ! Je lui demande à quel endroit elle l'a ramassé. Quelque pas en arrière et 3 à 4 m en contrebas d'un terrier de marmotte !

Ni une ni deux, je m'engage derrière Josée et effectivement je gratte la terre ameublie par le travail de l'animal. Un cristal de 3 cm puis un autre du double. Je plonge la main dans le terrier et sort de la terre une pièce de 10 cm. Jean-Marc !!! C'est ici, viens voir.

Nous sommes quelques peu génés pour gratter dans ce terrier. Pour scruter ce trou de marmotte, Jean-Marc y glisse son piolet. Il ne semble pas être profond. Nous nous couchons à même le sol pour mieux voir à l'intérieur et il faut de rendre à l'évidence, il ne continue pas. D'ailleurs le tas de terre sorti à l'extérieur est peu important. En fait, il s'avère que la marmotte l'avait abandonné en raison de la compacité des roches s'amalgamant au fond (allongement environ 1, 5 m à l'horizontale).

Décision est prise : si nous voulons travailler correctement, il faut évacuer les roches encadrant le terrier et agrandir le trou en suivant la galerie. Aussitôt masse, broches, pied de biche et consorts entrent en action. Quelques blocs demanderont un peu plus d'efforts que d'autres. Au fur et à mesure du dégagement, la terre est soigneusement triée par Nelly et surtout Marion qui s'est réellement prise au jeu de la recherche.

De cette terre, elles ont sorti un bon sac de cristaux entre 1 et 3 cm (+ de 200). Celle-ci contenait également, des cristaux de taille plus importante. Une pièce d'environ 15 cm, une dizaine de 10 cm et une trentaine compris entre 4 et 10 cm, sortis en grattant délicatement la terre ! Pas un coup de massette dans ce stock naturel de quartz !! Même Josée et les filles ont fouillé avec leur main pour sortir ces trésors.

Cette trouvaille, faite par Josée et grâce au travail inachevé de la marmotte, nous a permis d'effectuer une fructueuse récolte que nous avons partagé selon les désirs de chacun, et ceci dans une bonne ambiance amicale. Après avoir chargé nos sacs, il devenait temps de retourner aux voitures, car de gros nuages d'orage commençaient à arriver sur nous.

C'est sous la grêle, tonnerre et pluie que nous sommes rentrés à la Ferme afin de terminer agréablement la soirée et préparer les affaires pour le retour du lendemain. Après une telle journée de trouvaille, la nuit fût un peu agitée pour certains qui continuèrent à voir en rève des quartz à fenètre toute la nuit.

Gérard PERRET

 

Quelques éléments de géologie et de cristallographie :

Le secteur du Col d'Allos fait parti de ce que l'on a l'habitude d'appeler communément les massifs internes des Alpes.

Plus précisément, c'est un des éléments de la zone Subbriançonnaise, zone géologique très complexe car elle est constituée de plusieurs nappes. Et pour couronner le tout, ces nappes se superposent les unes aux autres parfois de façon discordante à cause de la tectonique particulièrement sévère qui a affecté ce secteur.

Ces séries de roches particulièrement épaisses sont datées du néocrétacé/ éocène. Il faut noter qu'elles reposent en discordance sur un socle cristallin de grès, dit Grès d'Annot, qui vont alimenter très tardivement en silice, les nappes lors de phénomènes tardifs de faible métamorphisme.

Dans ces nappes de marnes plus ou moins schisteuses, quelques strates plus calcaires peuvent être intercalées. Ce sont ces niveaux calcaires qui vont constituer la table d'accouchement de nos fameux cristaux. Sous l'effet de la tectonique, tantôt en phase de pression, tantôt en phase de distension, les calcaires vont se fissurer pour donner des fentes assimilables à des fentes alpines.

C'est ensuite le faible métamorphisme alpin qui va générer la chaleur juste suffisante pour permettre la circulation d'un très petit volume de fluides.

Ces fluides vont venir se loger dans les fentes à la faveur des phases successives de pression et de distension, provoquant la cristallisation de nos quartz. Et comme à l'habitude, les quartz qui cristallisent qui les vides de distensions en milieu calcaire, présentent ce que l'on appelle le faciès à fenêtre.

Si certains attribuent la formation des fenêtres à la présence d'inclusions d'hydrocarbures, ce qui n'est pas prouvé ici, il est par contre évident que dans notre cas les fenêtres sont remplies d'une argile très fine. On voit bien que les arêtes de ces cristaux se sont développées alors que les faces n'ont pas pu procéder à un développement simultané. Les arêtes se sont alors développées beaucoup plus vite que les faces entraînant automatiquement ces creux en leur milieu, d'où le nom de fenêtre.

Il est fort probable que ce développement aberrant soit dû à des conditions de milieux qui ont généré une forte polarisation électrique des arêtes des cristaux.

La croissance des faces étant épisodique, on obtient alors de nombreux escaliers inversés et des cloisons multiples, ce qui a pour conséquence d'augmenter la réfraction de la lumière, donc de donner un éclat très brillant à ces cristaux.

Il est aussi particulièrement intéressant de noter que ces cristaux se présentent souvent en groupement à axes parallèles et que leur croissance libre leur permet de se développer aux deux extrémités pour donner des bipyramidés trapus.

L'axe de plus fort développement est l'axe x, axe horizontal passant l'arête séparant deux faces m. Si le développement est faible suivant l'axe y, ils ont alors une forme aplatie.

Dans tous les cas, nos cristaux présentent un développement plus faible de l'axe z que celui de l'axe x, ce qui est contraire à la formation habituelle et permet alors d'expliquer cette forme trapue.

A titre d'exemple, j'ai noté quelques mesures sur deux des cristaux récoltés, le plus gros par mon épouse Josée et l'autre par ma fille Marion. Le premier se présente sous une forme bipyramidée trapue avec une pyramide parfaite d'un coté tandis qu'à l'autre extrémité, il semble que la silice est manquée au moment de la croissance; la terminaison laissant apparaître plusieurs pyramides.

Les faces m du prisme ne font au maximum que 3 centimètres alors que la plus grande face de la pyramide mesure 10,8 cm.

D'une extrémité à l'autre, suivant l'axe z, la hauteur totale du cristal est de 17,5 cm.

Suivant l'axe y, la plus grande largeur du cristal est de 14,6 cm.

Notons enfin que le poids de ce mono cristal est de 1120 gr.

Le second cristal, bipyramidé aussi est constitué par l'assemblage de deux cristaux dont l'un est droit et l'autre gauche, ce qui donne une très belle macle du Brésil. L'ensemble se présente sous une forme aplatie puisque suivant l'axe y, la largeur du cristal est de 4 cm. Alors que suivant l'axe x, la longueur est de 11,2 cm, pour une hauteur totale suivant l'axe z de 9 cm. Son poids est de 370 gr.

Ce cristal a la particularité de présenter une fenêtre parallèle à l'axe z dans laquelle on peut faire pénétrer la lame d'un couteau au sommet d'une pyramide.

On voit alors apparaître par transparence la pointe du couteau au sommet de la pyramide opposée !! Quant au cristal dont vous trouverez ci-joint la représentation grandeur réelle, il a était dessiné par son propriétaire, Gérard PERRET.

Parmi les cristaux que j'ai récoltés, j'ai remarqué que l'on trouvait fréquemment la macle du Dauphiné par accolement de deux cristaux dextrogyres. Si en principe les faces du prisme sont homogènes et présentent un faible développement, il arrive exceptionnellement que l'une soit hyper développée alors que l'autre est complètement atrophiée. Dans ce cas on obtient un faciès dipyramidal.

Quant au groupements de cristaux, ils se caractérisent toujours par le parallélisme des axes.

Pour conclure, je rappellerai que ces cristaux trapus ont toujours le rapport Z/Y < 1, ce qui est assez rare, mais qui est une caractéristique des quartz diamants que l'on trouve dans les septatrias.